Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

Emploi des sous-produits d’origine végétale de l'industrie alimentaire dans l'alimentation des ruminants



Tour d’horizon de l’emploi des différentes catégories de sous-produits d’origine végétale de l'industrie agroalimentaire dans l'alimentation des ruminants.

Si de nombreux co-produits végétaux de l’industrie alimentaire trouvent aujourd’hui des débouchés dans l’alimentation des ruminants, d’autres pistes de valorisation restent encore à exploiter.

I. INTRODUCTION

La réduction du gaspillage pour économiser les ressources terrestres tout comme la compétition entre l’alimentation animale et humaine font l’objet de nombreux questionnements. Bien que l’alimentation des ruminants, composée majoritairement d’herbe (fraîche ou conservée), entre moins en compétition avec celle de l’Homme que celle des monogastriques (6 kg vs 16 kg de Matière Sèche consommés (MS) / kg protéine produit respectivement ; (Yang 2021)), l’augmentation de la part des sous-produits de l’industrie agro-alimentaire (IAA) dans la ration des ruminants présente des avantages significatifs notamment en termes de réduction des charges alimentaires ou encore d’autonomie des élevages vis-à-vis des aliments importés tels que le soja. Cette piste est d’autant plus prometteuse que l’alimentation animale est un poste qui représente en moyenne 60% des charges totales d’une exploitation d’élevage.

Les IAA ont pour premier objectif de produire des denrées alimentaires à partir de matières premières. Dans ce processus de création de produit, la matière première peut ne pas être utilisée dans son intégralité, la transformation pouvant engendrer des sous-produits. Par exemple, la production de pomme de terre engendre des rebuts à cause des standards de taille. Ils sont qualifiés de sous-produit car l’IAA ne les commercialise normalement pas. Sans recyclage par la voie de l’alimentation animale, ces pommes de terre non standardisées deviennent alors un déchet de la production. On peut aussi parler de coproduits dans le cas de la betterave sucrière. La mélasse est en effet devenue un composant très utilisé dans l’alimentation animale notamment d’engraissement. Dans ce cas, sa production est volontaire mais reste secondaire par rapport à la production de sucre, raison pour laquelle sa dénomination est « coproduit ». La Figure 1 illustre l’idée abordée précédemment à l’échelle de tous les types de production.

Figure 1 : Schéma du circuit des IAA jusqu’à la valorisation complète des matières.
Source : Gisements de valorisation des coproduits de l'industrie agroalimentaire, RESEDA, 2018

Sous produits fig1

Dans le schéma précédent, le mot « coproduits » réunit deux notions distinctes : celle des sous-produits et celle des coproduits. Aucune définition claire n’étant définie dans la réglementation, nous utiliserons ici des définitions issues d’une concertation entre les professionnels.
Les coproduits représentent, comme précisé dans l’ordonnance 2010-1579 du 17 décembre 2010, une substance ou produit résultant d’un processus de production qui n’est ni un produit, ni un résidu, ni un déchet, dont la valorisation économique est totale et qui dispose d’un marché adossé à une cotation (RESEDA, 2018).
Les sous-produits sont, quant à eux, des substances ou objets résultants d’un processus de production et qui n’est pas le produit final que ce processus vise à produire, mais dont l’utilisation ultérieure et directe est certaine (Directive 2008/98/CE). Issus de diverses origines (industrie céréalière, laitière, …), les sous-produits disposent de propriétés différentes et complémentaires (Tableau 1).
Enfin, les déchets seront définis selon la directive 2006/12/CE comme une substance ou un objet que le producteur cherche à éliminer, a l’intention d’éliminer ou en a l’obligation.

L’industrie de transformation végétale est celle qui génère le plus de “déchets” ou sous-produits en termes de volume dans l’IAA. Pour 1 tonne de végétaux, seulement 600 kg deviennent des produits commercialisables, laissant ainsi 400 kg de restes organiques, qui à priori, seraient des déchets. Sur l’année 2016, l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) estimait à 3,8 millions de tonnes les déchets produits par l’IAA française. Parmi les matières non utilisées (potentiels déchets), 69% sont d’origine organique dont 34% animale, comme le lactosérum, et 35% végétale, tels que les drêches par exemple. Les rebuts et les morceaux éliminés ou non consommés représentent environ 1,3 milliard de tonnes par année (Pinotti et al., 2020). Ils pourraient donc constituer une plus-value potentielle intéressante s’ils étaient intégrés aux rations des animaux.
En parallèle, bien que l’élevage de ruminants rende des services écosystémiques importants (comme le stockage de carbone dans les prairies qui représente environ 84,6 tonnes par hectare de prairie utilisé pour les bovins, ovins, caprins et équins (source : INRA 2019)), il est souvent critiqué pour ses émissions de Gaz à Effets de Serre (GES). Il semble qu’utiliser les sous-produits de l’IAA dans leur alimentation pourrait permettre de réduire cet impact négatif dans la mesure où la valorisation des sous-produits permet de s’affranchir de la production supplémentaire de GES. Certains sous-produits de l’IAA, par exemple le brocoli, semblent également améliorer le système immunitaire de l’animal et présenter des avantages significatifs pour l’alimentation animale. D’autres peuvent jouer un rôle antiparasitaire. C’est une dimension notamment à l’étude dans le projet européen LifeMiclifeed (2021-2026). Ces sous-produits peuvent ainsi améliorer la santé de l’animal et réduire les émissions de méthane, un système digestif infesté pouvant en émettre davantage qu’un système sain et requérant l’utilisation de médicaments vétérinaires.

Tableau 1 : Différentes catégories de sous-produits de l’IAA et caractéristiques principales.
Modifié de https://idele.fr/detail-article/des-coproduits-pour-faire-face-a-un-deficit-fourrager

Sous produits Tab1

Dans ce contexte, l’objet de ce travail bibliographique a été de faire un tour d’horizon des matières premières déjà utilisées et des circuits déjà en place avec un focus européen afin :
- d’identifier les possibilités existantes pour les sous-produits de l’IAA
- de questionner dans quelle mesure les sous-produits de l’IAA seraient susceptibles d’induire une diminution des coûts alimentaires et d’améliorer la rentabilité de la production de ruminants.

II. MATIERES PREMIERES, VALEURS NUTRITIONNELLES ET RATIONNEMENT

II.1. Betterave et paille : les plus communs

a) La betterave

La betterave est un aliment qui engendre de nombreux coproduits largement valorisables en alimentation animale. Il s’agit d’ailleurs des coproduits les plus largement utilisés. Parmi eux, la mélasse dont la fiche proposée en Tableau 2 résume les principales caractéristiques.
A partir de la betterave sucrière, il est aussi possible de produire des pellets, c’est-à-dire des cylindres de 6 à 10 mm de diamètre, qui résultent de la compression du produit original. Leurs principaux avantages sont : 1/ de ne contenir aucun Organisme Génétiquement Modifié (OGM), 2/ de disposer d’une composition stable, 3/ de pouvoir être enrichis en énergie (mélassé), 4/ d’accepter un stockage long sous réserve d’être conservé dans de bonnes conditions (endroit propre et humidité relative maximum de 65%) et 5/ d’être possiblement incorporable aux rations en agriculture biologique (Suedzucker, 2020). Enfin, il est possible de produire de la pulpe de betterave, communément utilisée pour la finition des animaux à l’engraissement. Cet aliment permettrait d’avoir une meilleure couleur de viande (Oury et al., 2009).

Tableau 2 : Fiche technique de la betterave Sucrière
Source : Alimentation des ruminants, INRA2018 et communications personnelles

Sous produits Tab2

Une autre sorte de betterave peut également être utilisée : la betterave fourragère. Cette plante dispose d’une forte capacité d’absorption des nitrates après une prairie retournée ainsi que d’une excellente résistance aux climats froids et contrastés (Alliance élevage, 2019). Sa sélection a permis de produire des graines qui ne produisent qu’une seule plantule, dont l’enrobage permet de limiter les traitements. A l’auge, la betterave fourragère augmente la digestibilité de la ration, permet une meilleure expression des chaleurs chez les vaches, et se comporte comme un alicament. Ce fourrage frais pour l’été et l’automne, diminue les charges de mécanisation lorsqu’il est pâturé (LG seeds, 2022). Dans ce cas, il faut envisager de réaliser un pâturage « au fil », en gardant 3 à 6 m² par vache par jour (soient 4 à 8 kg MS). Dans le cas des bovins, la plante entière est arrachée pour être consommée. Ainsi l’animal ingère 88 g de Protéines Digestibles dans l’Intestin grêle permises par l’Énergie (PDIE), 1,15 UFL et 53 g de Protéines Digestibles dans l’Intestin grêle permises par l’Azote (PDIN) (Tableaux INRA, 2007 ; Herb’actifs, 2022). La betterave fourragère a une capacité de 1,22 Unité fourragère Lait (UFL)/ kg de MS environ et la moyenne du rendement à l’hectare (ha) est de 9,7 tonnes de MS en Nouvelle-Aquitaine. Les rendements annoncés à la base sont de 15 à 20 tonnes de MS/ha. Il existe différentes variétés de betteraves que l’on différencie selon le taux de matière sèche qui fluctue de moins de 12 à plus de 16% (Vienne CA 2022).

b) La paille

La paille est un fourrage très utilisé et qui l’est de plus en plus pour économiser le prix du foin. En effet, certains éleveurs ont fait le choix en 2023 d’acheter de la bonne paille pour nourrir les vaches allaitantes en complément avec d’autres aliments pour faire baisser les coûts alimentaires.
Voici ci-dessous un tableau (Tableau n°3) indiquant les valeurs nutritionnelles des pailles les plus communément utilisées :

Tableau 3 : Valeurs nutritionnelles des pailles utilisées
Source : INRA2018

Sous produits Tab3
Ces indications s’apprécient dans le cas d’une ration à base de paille correctement complémentée en azote et en minéraux.

II.2. Les sous-produits légumiers, moins connus

a) La salade

Il existe, dans l’industrie de transformation végétale, un fort potentiel du côté des salades et brassicacées notamment au niveau de la chaîne de salade iceberg dont le rendement n’est que de 59% (car le cœur et les feuilles externes sont retirés). La bibliographie mentionne que les feuilles de salade fraîchement coupées sont semblables à de l’herbe fraîche à un stade précoce (Pinotti et al., 2020). La salade, dont la teneur en Matière Sèche (MS) varie entre 6% et 25% (Pinotti et al., 2020), a l’avantage d’être appétante et d’être une bonne source en azote soluble. Elle permettrait donc de sécuriser les rations en apportant les glucides nécessaires pour éviter les boiteries et le météorisme. En outre, la présence de vitamines A, C, B et E, de minéraux et polyphénols, de caroténoïdes et de glucosinolates, ainsi que la richesse en fibres post stade précoce, fait de la salade un aliment intéressant (Pinotti et al., 2020). La salade peut être utilisée fraîche, ensilée ou en sec, mais le frais et l’ensilé semblent optimiser la conservation des propriétés nutritionnelles de ce fourrage. Il est toutefois important de noter que la durée de vie courte de cet aliment implique qu’il soit acheminé rapidement au site d’élevage pour y être consommé. Peu d’études ont porté sur l’intérêt de la salade dans les rations des ruminants, toutefois cette biomasse semble pouvoir augmenter les capacités de reproduction et l’efficience alimentaire tout en réduisant les émissions de méthane et émissions nitriques atmosphériques (Pinotti et al., 2020).
Les zones d’ombre demeurent toutefois, notamment le degré d’incorporation de la salade, qui doit être mesuré afin d’éviter les effets indésirables sur la production.

b) Le baby-corn

Le maïs immature récolté avant sa pleine maturation est appelé baby corn. Ce dernier est alors gorgé de lait sucré ce qui le rend plus appétant et plus digestible que le maïs fourrage classique. Etudiant des bisons Murrah, Bakshi, Wadhwa et Makkar (2016) ont pu établir une meilleure digestibilité des nutriments et une rétention de l’azote supérieure avec un régime constitué d’épis de baby corn broyés en comparaison à un régime de maïs et fourrage vert.

c) La pomme de terre

En 2011, la surproduction de pommes de terre a conduit les éleveurs à incorporer des pommes de terre dans l’alimentation des ruminants, le prix de la tonne brute hors coût de transport étant particulièrement attractif (20 à 25 €). Cette ressource riche en énergie, contient environ 1,22 Unité Fourragère Viande (UFV) / kg MS grâce à ses 70% d’amidon. Il est toutefois conseillé : 1/ de ne pas dépasser 10 kg / jour pour des vaches laitières pour éviter l’excès d’amidon 2/ d’associer la pomme de terre à un apport de fourrages grossiers et 3/ de réaliser une transition afin de maintenir un bon fonctionnement du rumen et d’éviter les troubles digestifs.

d) La carotte

Les carottes sont aussi susceptibles d’être utilisées en alimentation animale, notamment car elles sont riches en vitamine C, en carotène et en nutriments digestibles (83% de la MS). Elles sont très énergétiques en ayant une teneur en UFV de 2,3 environ en prenant les données de l’article de (Goenaga et al., 2023) Toutefois, compte tenu de leur teneur en sucres fermentescibles, elles doivent être associées à des fourrages grossiers riches en fibres (pour éviter l’acidose). Cet aliment appétant et facilement consommable par le bétail nécessite une transition de 8 à 10 jours. On considère que les jeunes taureaux et les vaches laitières peuvent en consommer 20 à 25 kg/jour tandis que pour les bœufs, les carottes peuvent représenter jusqu’à 40% de la MS sans effet négatif. Chez les brebis gestantes, l’incorporation de 3,3 kg de carottes fraîches par jour est possible. Concernant les brebis en entretien les carottes peuvent composer 80% de la ration sans problème. Les chèvres, elles, peuvent consommer 2 à 4 kg par jour de carottes fraîches. Les carottes de 7 à 8 cm peuvent être ensilées avec de la paille, du foin ou de l’herbe (Bakshi, Wadhwa, Makkar, 2016). Il a été montré sur des bœufs que l’utilisation de cet ensilage combiné à du pâturage permettait d’obtenir les mêmes performances de croissance que la consommation d’herbe de brome avec de l’ensilage de luzerne (Bakshi, Wadhwa, Makkar, 2016). Chez les vaches laitières, 10 kg de carottes brutes ont permis d’améliorer les performances de reproduction (IVV, nombre d’IA/IA fécondante, nombre de vêlage) (Bakshi, Wadhwa, Makkar, 2016).
D’autres exemples d’apports de sous-produits sont présentés dans le Tableau 3.

Tableau 3b : Valeurs protéiques de quelques sous-produits de l’IAA
Source : informations issues de Bakshi et al., (2016)

Sous produits Tab3b

III. CIRCUITS EN PLACE POUR RUMINANTS POUR LES ALIMENTS A PARTIR DE SOUS PRODUITS DE L'IAA – QUELQUES EXEMPLES

Dans la bibliographie et après étude de l’existant, nous avons remarqué que des pays voisins européens sont plus avancés sur le sujet des sous-produits de l’IAA pour l’alimentation animale. Ainsi dans les prochains paragraphes nous allons voir les productions en Espagne et en Belgique, deux de nos plus proches voisins.

III.1. Du côté espagnol

Le secteur agroalimentaire en Espagne a pour objectif de valoriser au maximum les sous-produits des IAA. Nous avons pu nous entretenir avec TRASA (Tratamiento Subproductos Alimentarios S.L. = Traitement des sous-produits alimentaires) qui est la seule entreprise pour l’instant en Espagne, récupérant des sous-produits d’IAA pour les valoriser dans l’alimentation animale. Elle se situe dans la région de Navarre et a vu le jour en 2016. Sa vocation est de recycler les résidus et rebuts des IAA pour les transformer ou non afin de les rendre consommables pour les animaux de rente. L’entreprise valorise 16 000 tonnes de sous-produits d’origine végétale de l’IAA par an (communication avec TRASA). Elle dispose de deux lignes de production : la première commercialise en frais (pour une consommation rapide) et la seconde est spécialisée dans la transformation (réalisation de mélanges ensilés mis en balles). Dans le cas des aliments mélangés, deux types de résidus sont associés afin d’améliorer la stabilité nutritionnelle et physico-chimique de l’aliment. La base est constituée de résidus végétaux à forte humidité auxquels on ajoute des résidus à faible humidité pour compenser et servir « d’absorbant » (maïs, farine de tournesol ou de la pulpe de betterave). Concernant l’ensilage, TRASA peut en produire 20 000 tonnes environ. Le processus dure entre 1 et 2 mois, le temps que la fermentation anaérobie se déroule. La plupart des volumes générés par l’IAA en végétaux est néanmoins directement gérée par les éleveurs qui ont des accords avec les entreprises pour les récupérer et les transporter jusqu’aux exploitations. TRASA produit des aliments aussi bien destinés aux ovins qu’aux bovins tant laitiers qu’allaitants et même aux chevaux, selon les aliments. Cette entreprise est capable de formuler des aliments différents en fonction de ce qui est récupéré des IAA en l’adaptant aux besoins des clients. Elle a la possibilité technique de produire jusqu’à 40 000 tonnes à l’année de produits finaux, ce qui signifie qu’elle a du potentiel à développer (Arozarena, 2017). Aujourd’hui TRASA transforme 15-18% de ce qui est généré en Navarre par manque de débouchés. Un projet est en cours en Espagne afin de prouver scientifiquement que l’utilisation des sous-produits est bénéfique autant pour l’environnement que pour la qualité du produit qui reste la même.
Liée à TRASA, une start up nommée Ingredalia a été créée en 2017 (Arozarena, 2021). Ellea pour objectif d’installer une usine de transformation des résidus de brocoli à Milagro (Navarre, Espagne). Ce légume est le deuxième végétal le plus produit en Navarre et il est intéressant pour sa teneur en sulforaphane, connu pour avoir des propriétés antioxydantes. Aujourd’hui, Ingredalia fournit des produits pour les animaux de compagnie. Maiselle envisage de développer son activité par la production d’aliments pour les ruminants. Les autorités publiques espagnoles fournissent aussi des efforts sur le sujet. En effet, la mairie de San Javier, le Centre Technologique de l’Énergie et de l’Environnement et Aprovertia S.L. (société de vente d’alimentation animale) se sont engagés à créer une collaboration permettant d’utiliser les sous-produits agricoles, marins, de l’IAA et des chaînes de distribution alimentaire, ainsi que de la biomasse urbaine, dans l’alimentation animale.

III.2. Du côté belge

L’entreprise TROTEC avec qui nous avons échangé, collecte plus de 250 000 tonnes de sous-produits par an auprès de ses 400 partenaires des IAA. Elle les transforme en aliments pour les animaux de rente. Les sous-produits sont issus de différentes filières : boulangerie, pomme de terre, chocolat, céréales de petit déjeuner, bonbons et produits emballés. Lorsque ces sous-produits arrivent à TROTEC, ils sont déballés pour ceux qui sont emballés puis incorporés dans une formulation, traités thermiquement puis broyés, conditionnés et expédiés. De ce procédé sort 200 000 tonnes de TrotecQ100, un aliment aux valeurs nutritives (amidon, sucres, matières grasses, protéines et taux de matière sèche) stables au cours de l’année (Tableaux 4 et 5). Cette entreprise dispose de deux sites de transformation situés en Belgique pour l’un, et dans le Sud-est de la France pour l’autre. Cela lui permet de livrer dans toute la France et en Belgique.
Les retours sur l’aliment sont positifs. En effet, en vaches laitières, l’utilisation de 2 à 3 kg par vache par jour a permis d’augmenter la production laitière de 3 kg par vache et la matière sèche ingérée d’1kg induisant en même temps l’amélioration de l’état corporel des vaches (Trotec 2022).

Tableaux 4 et 5 : Fiche technique du trotecQ100

Sous produits Tab4 5

Sur les tableaux précédents, il est possible de voir que la valeur énergétique du trotecQ100 est légèrement inférieure à la betterave sucrière et équivaut à un tourteau de colza CX0210 dans INRA2018 (1,17 UFV/kg MS). Ce qui est une bonne référence pour alimenter les bovins notamment.

IV. POINTS DE VIGILANCE ET ATOUTS

Tous les sous-produits peuvent être considérés comme utilisables pour l’alimentation des ruminants en premier lieu. Les sous-produits d’origine animale doivent d’abord être autorisés par la législation. Il faut pour cela réaliser des analyses afin de connaître les valeurs nutritives et mener des analyses complémentaires pour détecter les Facteurs Anti-Nutritionnels (FAN) potentiels. Ces derniers peuvent être toxiques à certaines doses ou bloquer l’absorption de certains nutriments. Une fois que ces deux types d’analyses ont été menées et qu’une comparaison avec d’autres aliments a été faite, c’est l’équilibre économique de l’opération qui doit être examiné, beaucoup de sous-produits disposant d’une matière sèche faible au transport coûteux pour la valeur transportée.
Les sous-produits d’origine végétale (légumes/ fruits) sont source de fibres, protéines et d’énergie surtout pour les ruminants. Il s’agit aussi d’une bonne source de micro et macronutriments. De plus, certains sont riches en polyphénols comme la salade. Ces éléments sont réputés avoir une capacité antioxydante et ainsi constituent des barrières contre le vieillissement cellulaire et l’apparition de maladies. Un autre aspect intéressant est le potentiel renforcement de l’immunité par la consommation de sous-produits végétaux.
Les éleveurs doutent souvent de l’efficacité des sous-produits. C’est pour cela que la recherche dans ce domaine devrait être davantage encouragée.
Des points de vigilance sont à retenir :
- La variabilité des analyses (Pinotti et al., 2020) et la variabilité de la composition chimique des sous-produits de l’IAA selon l’origine botanique, les conditions agro-climatiques, le stade de croissance, la partie de la plante et les conditions de procédés industriels
- La conservation : le séchage et l’ensilage représentent de bons moyens pour allonger la durée de vie des résidus de végétaux ainsi que pour simplifier leur incorporation en ration pour les ruminants. Ce sont des moyens plutôt économiques donc à privilégier.
- La concentration en nitrate des fruits et légumes doit être inférieure à 0,05% du poids de l’animal : les nitrates produisent des nitrites en excès dans le rumen qui pénètrent la circulation sanguine où ils convertissent l'hémoglobine sanguine en méthémoglobine, qui, lorsqu'elle est excessive, peut induire une intoxication aux nitrates (Légumes feuillus verts : nitrates = 2800 à 4130 mg/kg, aucun risque pour les ruminants (Pinotti et al., 2020)).
- La présence de métaux lourds, pesticides ou résidus, mycotoxines et FAN sont aussi des limites à l’incorporation dans la ration des ruminants. Les FAN peuvent engendrer des pertes d’appétence, de digestibilité et peut aller jusqu’à induire des baisses de performances.
- Si présence de FAN : étudier la méthode d’élimination adaptée. Il existe des procédés chimiques (ammonification : procédé le plus utilisé) et biologiques (enzymatique et fermentation) pour les réduire voire les éliminer. Cela peut parfois inclure une réduction des qualités nutritionnelles du sous-produit. Exemple : le gossypol du coton peut lier le fer, empêcher l’utilisation des protéines ou des carbohydrates et le soja cru provoque un ralentissement de croissance chez les rats (Said 2014).
- La transparence des IAA sur leurs procédés de transformation pour la sécurité et la qualité des sous-produits générés.
- La conformité au cahier des charges des appellations : dans les bassins de production français où il y a des AOP (Appellation d'Origine Protégée), il faut veiller à ce que les sous-produits soient dans la liste des aliments conformes ou à demander une étude pour les incorporer.
- La conformité à la législation en place. L’Office international des épizooties de Paris a rédigé des directives de sécurité et bonnes pratiques pour l’utilisation des déchets agricoles comme alimentation des animaux. Il préconise également de surveiller régulièrement les agents toxiques potentiellement contenus dans les sous-produits de l’IAA. Au niveau international, la "By-product Commodity Vendor Declaration" a été introduite en 2004 en Australie. Cela couvre les matières qui ne sont pas initialement produites pour être commercialisées pour les animaux. Ensuite, depuis la crise de la « vache folle », les farines animales ne sont pas autorisées dans l’alimentation des ruminants. Bien sûr, les normes de sécurité des aliments ainsi que les standards d’hygiène et de traçabilité (CE n°178*2002 et CE n°183/2005) sont là également pour assurer la sécurité des sous-produits.

CONCLUSION

L’incorporation de sous-produits de l’IAA dans l’alimentation des ruminants présente un fort potentiel tant d’un point de vue environnemental, qu’économique et nutritionnel. L’utilisation de ces matières confère davantage d’autonomie et diminue la dépendance des éleveurs vis-à-vis des marchands d’aliments et le cours des matières premières. Cet usage permet aussi de réduire l’impact environnemental en diminuant la consommation d’eau et l’empreinte carbone de l’alimentation du bétail. Il s’agit cependant d’alternatives et non pas de solutions de remplacement complètes des aliments actuellement sur le marché. Nous ajoutons deux bémols importants : le coût du transport qui est peu efficient, ce qui pourrait rendre le produit non rentable ; et le manque d’études sur le sujet qui ne facilite pas leur utilisation. C’est pour cette raison qu’il nous parait nécessaire de mettre en place des circuits d’acheminements depuis les IAA vers les fermes ainsi que de continuer les études en augmentant l’échantillonnage et en encouragent ainsi l'étude de l'effet de ces régimes alimentaires sur la qualité des produits obtenus. En France, le sujet intéresse de nombreux acteurs qui se sont réunis le 2 février 2023 à Paris à l’occasion d’une journée organisée par l'AFZ, en partenariat avec Duralim. Le réseau « Les Coproduits », qui a vu le jour, va permettre d’explorer les débouchés et réfléchir sur le sujet du point de vue de l’économie circulaire. Des études ont déjà été produites en 2017 par l’IDELE et ces explorations vont venir compléter les études déjà menées. D’autres part, les acteurs de la nutrition animale sont aussi concernés et proposent de plus en plus d’incorporer les sous-produits de l’IAA quand cela est avantageux aux niveaux nutritionnel et économique. 

Références

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