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Le métabolome dans le sang peut aider à prédire la composition corporelle des porcs (taux de muscle des pièces ou poids de certaines pièces de la carcasse comme le jambon) ainsi que le rendement de carcasse et la consommation moyenne journalière.
Il est possible de mettre en lien un « ome » particulier (génome, transcriptome, protéome, métabolome, voir Encadré 1) avec un ou plusieurs phénotypes d’intérêt, soit pour comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents (comprendre par exemple quels gènes sont impliqués dans la variation de la couleur de la viande), soit pour prédire un phénotype d’intérêt : c’est la recherche de biomarqueurs. Les polymorphismes de l’ADN sont utilisés comme prédicteurs de phénotypes (plus exactement des valeurs génétiques) en sélection génomique.
Peut-on imaginer se servir des autres « omes » comme prédicteurs de phénotypes ?
A la différence de la séquence génomique, les autres ‘omes sont influencés partiellement par l’environnement. Par exemple, le taux de sucre dans le sang est fonction de l’individu, mais aussi de son alimentation ; c’est pour éliminer cet effet que l’on demande souvent une prise de sang à jeun.
Comme le métabolome est proche des phénotypes finaux dans la cascade biologique et qu’il est d’acquisition peu coûteuse par RMN, nous avons voulu savoir s’il pouvait être un bon prédicteur des phénotypes de production dans l’espèce porcine.
Qu’est-ce que le métabolome ? Toutes les informations nécessaires au fonctionnement d’un être vivant sont codées dans la grande molécule d’ADN qui constitue le génome. Ces informations sont mobilisées en lieu et en heure dans les tissus cibles. Une longue cascade biologique se met alors en place ; les gènes mobilisés sont transcrits en ARN messagers (l’ensemble des ARNm est appelé le transcriptome), qui sont traduits en protéines (formant le protéome), qui interagissent entre elles pour générer des molécules appelées métabolites reflétant le fonctionnement intime des cellules. Le métabolome constitue l’ensemble des métabolites quantifiables et apparaît plus proche du phénotype final (Figure 1). A titre d’exemple, les sucres et les lipides quantifiés dans une prise de sang sont des métabolites.
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I.1. Animaux et phénotype
Un total de 506 porcs de races Large White, Landrace et Piétrain ont été contrôlés à l’unité expérimentale de testage des porcs du Rheu (Ille et Vilaine).
Les poids des animaux et la quantité d’aliment ingéré ont été contrôlés entre 35 et 110 kg environ, ce qui a permis d’estimer le gain moyen quotidien (GMQ), l’indice de consommation (IC) et la consommation moyenne journalière (CMJ).
En fin de contrôle, les animaux ont été abattus dans un abattoir commercial et différents caractères de composition corporelle ont été estimés à partir des mesures effectuées sur la carcasse. Le rendement de carcasse (RDT) a été calculé en faisant le rapport entre les poids net de la carcasse (PNET) et vif de l’animal (PVIF). La longueur atlas-pubis (LONG), les épaisseurs de lard mesurées à la fente en différents sites (EPLrein, EPLdos et EPLcou) ainsi que leur moyenne (EPLM) et les épaisseurs de gras (G2) et de muscle (M2) ont été mesurées. La teneur en viande maigre (TVM) a été estimée à l’aide de l’équation suivante : TVM = 62,19 – (0,729 x G2) + (0,144 x M2). La demi-carcasse droite a été pesée (DEM) puis découpée selon une découpe hollandaise normalisée et les morceaux ont été pesés : jambon (JAM), poitrine (POI), épaule (EPAU), longe (LON) et bardière (BAR). Le taux de muscle des pièces (TMP) a été estimé selon l’équation : TMP = 25,08 - (1,23 x (100 x BAR/DEM)) + (0,87 x (100 x LON/DEM)) + (0,73 x (100 x JAM/DEM)).
Plusieurs critères de qualité de viande ont également été mesurés sur le jambon 24h après l’abattage : le pH du muscle demi-membraneux (ou semimembranosus) (PHDM), les coordonnées L*, a* et b* (système CIELAB, Minolta) et le temps d’imbibition d’un morceau de papier pH sur le muscle fessier superficiel (ou gluteus superficialis) (L*GS, a*GS, b*GS et IMB, respectivement). L’indice de qualité de viande (IQV) a été calculé selon la formule : IQV = 34 + (11,04 x PHDM) + (0,105 x IMB) – (0,231 x L*GS).
I.2. Métabolome
Une prise de sang a été effectuée durant la période de croissance (à environ 60 kg de poids vif), à partir de laquelle le métabolome du plasma a été mesuré par RMN.
I.3. Analyses statistiques
Une approche statistique a été adoptée pour prédire chacun des 22 phénotypes à notre disposition. La démarche a été schématiquement la suivante : une partie des animaux (les 2/3) a servi à apprendre un modèle (estimer les paramètres), puis la partie restante (1/3) a permis de quantifier la qualité du modèle en comparant les phénotypes réellement observés avec les pseudo-phénotypes prédits par le modèle. Le tirage au sort et l’analyse des données ont été répétés un grand nombre de fois. C’est donc une erreur de prédiction moyenne obtenue à partir d’un grand nombre de tirages aléatoires qui va être présentée dans la suite.
Un exemple de spectre RMN est donné en Figure 2. Le profil présenté est découpé régulièrement tout le long de l’abscisse en près de 300 intervalles pour lesquels le signal est intégré. L’analyse de ce jeu de données en l’état actuel des connaissances a révélé 65 déplacements chimiques d’intérêt (à savoir des portions spécifiques du spectre), dont 7 correspondent en fait à du bruit, 11 à des métabolites non identifiés, et 52 à un ou plusieurs métabolites (ou familles de métabolites).
L’erreur moyenne de prédiction sur les différents tirages est présentée en Figure 3 pour l’ensemble des phénotypes. Trois classes de prédiction ont été grossièrement dégagées : qualités de prédiction bonne, moyenne et médiocre. Les caractères de composition de carcasse sont les caractères les mieux prédits par le métabolome sanguin. La teneur en viande maigre estimée à partir du poids des morceaux de la carcasse (taux de muscle des pièces ou TMP) est le phénotype le mieux prédit (R2=0,8 sur l’échantillon d’apprentissage servant à apprendre le modèle, R2=0,7 sur l’échantillon test servant à évaluer la prédiction). D’autres phénotypes comme la TVM commerciale, les poids de la poitrine (POI), de l’épaule (EPAU) et du jambon (JAM) et le rendement de carcasse (RDT) sont également bien prédits. Parmi les caractères de croissance, seule la consommation moyenne journalière (CMJ) est relativement bien prédite (R2= 0,6). En revanche, le métabolome mesuré sur un échantillon de sang prélevé en période de croissance ne permet pas de prédire de manière satisfaisante les phénotypes liés à la qualité de la viande.
La médiocre prédiction des phénotypes de qualité de viande (IQV, IMB, couleurs et pH) peut s’expliquer par le fait que ces phénotypes sont principalement influencés par les conditions d'abattage (porcs abattus à un poids d’environ 110kg) et de mise à jeun. Or, l’information métabolomique de cette étude provenait d’une prise de sang réalisée durant la période de croissance (à environ 60 kg). Afin d’appréhender la puissance prédictive du métabolome comme source de biomarqueurs pour la qualité de la viande, il pourrait être intéressant de mesurer l’information métabolomique sur un échantillon de sang prélevé au moment de l’abattage.
Le taux de muscle des pièces est le phénotype le mieux prédit dans cette étude. Il est d’une importance économique majeure car influant directement sur la rémunération de l’abattoir et de l’éleveur. On peut noter que le phénotype est prédit en grande partie par la race. Cela indique aussi que le métabolome porte l’information de la race. La prédiction intra-race ne peut être évaluée ici, les effectifs étant trop faibles.
Nous avons identifié les pics du spectre métabolomique qui avaient un fort pouvoir prédictif. Pour le taux de muscle des pièces, ainsi que pour d’autres phénotypes liés, la créatinine est apparue comme le meilleur prédicteur. Elle est liée à la masse musculaire, donnant ainsi une cohérence biologique aux résultats statistiques.
L’expérience résumée dans ce texte est une première du genre appliquée à l’espèce porcine. Elle est intéressante à ce titre. Le revers de la médaille est la présence de petites imperfections. En effet, les prises de sang n’ont pu être effectuées à un moment standardisé : ni par rapport au dernier repas (et ceci est sans doute le point le plus délicat), ni par rapport au stade de croissance ou à l’âge (mais pour ces aspects, la variabilité entre animaux est faible).
Malgré ces imperfections, la puissance de prédiction du métabolome sanguin durant la période de croissance peut être suffisamment intéressante pour envisager dans le futur l’utilisation de ce type de données comme biomarqueurs. De nouvelles études pourraient être mises en place avec des effectifs plus importants, de nouveaux caractères (comme le gras intramusculaire, ou des caractères liés à la santé ou la robustesse, l’odeur de mâle entier, …), et des prises de sang réalisées à différents stades de la vie de l’animal (naissance, sevrage, abattage,…) afin de préciser le moment adéquat de prélèvement selon le phénotype à prédire.
Remerciements
Cette étude a reçu le soutien financier de l’ANR et de BIOPORC pour l’acquisition des données, et de l’INRA et la Région Midi-Pyrénées pour la thèse de Florian ROHART.
Bibliographie
Cet article est un résumé d’un article paru en anglais dans Journal of Animal Science
F. Rohart, A. Paris, B. Laurent, C. Canlet, J. Molina, M. J. Mercat, T. Tribout, N. Muller, Iannuccelli, N. Villa-Vialaneix, L. Liaubet, D. Milan and M. San Cristobal (2012). Phenotypic prediction based on metabolomic data for growing pig from three main European breeds. J ANIM SCI, 90:4729-4740. doi: 10.2527/jas.2012-5338
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