
La France présente, par rapport aux autres pays européens, des particularités de préparation des porcs à l’élevage avant l’abattage, en matière de recommandations pratiques d’ajeunement et d’équipements. Le temps d’ajeunement recommandé est de 22 à 26 h entre le dernier repas et l’abattage et la majorité des éleveurs (60 %) sont équipés d’une aire de préparation avant chargement (local d’embarquement) où les porcs se reposent de 2 h minimum à parfois 18 h selon les pratiques des éleveurs (heures de tri et de sortie des porcs).
Le premier objectif de cette étude était de quantifier la consommation d’eau avant l’abattage des porcs abreuvés dans le local d’embarquement selon deux modalités temps de présence sur le local d’embarquement (8 heures ou 16 heures) et modes d’alimentation durant la phase d’engraissement (deux modalités actuellement majoritaires soupe en trois repas ou nourrisseur).
Le second objectif était d’évaluer la perte de poids de carcasse des porcs selon qu’ils sont abreuvés ou non, afin de mesurer l’intérêt de l'abreuvement (les porcs boivent-ils ou jouent-ils avec l’eau ?).
Le troisième objectif était de mesurer l’effet de l’abreuvement sur la qualité de la viande (pH et couleur, poids des estomacs, rendement à la transformation en jambons cuits supérieurs).
PROTOCOLE
L’essai a été réalisé à la Station de Romillé lors de trois saisons (automne 2006, hiver 2007 et été 2007). Lors de chaque répétition, les porcs étaient de même type génétique (croisés issus de truies LW*LR et de verrats LW*P).À chaque répétition, 180 porcs ont été retenus en préservant le sexe ratio (moitié mâles castrés et moitié femelles). Deux salles d’engraissement ont été conduites soit en alimentation soupe 3 repas (90 porcs), soit au nourrisseur (90 porcs). L’aliment distribué était de même composition (aliments croissance puis finition). La durée de mise à jeun avant abattage était de 24 heures. À chaque saison, 6 lots ont été constitués selon le tableau 1.
Les porcs abreuvés sur le quai disposaient d’une pipette pour 6 porcs. La mesure du pH1, la pesée des estomacs par lot et un relevé individuel des poids carcasses ont été effectués sur la chaîne d’abattage pour chaque porc abattu. Les pH ultimes du jambon et de la longe ont été mesurés à J2 avant la découpe. Les jambons ont été désossés par lot puis transformés en jambons cuits supérieurs à la salaison Fleury Michon.
La chronologie des opérations est la suivante :
J-2 16h pesée de tous les porcs à jeun en vif en porcherie à la Station de Romillé
JO 7-8h mise à jeun des lots (dernier repas de soupe et vidange des nourrisseurs à 9h)
JO 13h sortie des lots 1, 2, 4 et 5
JO 21h sortie des lots 3 et 6
J + 1 5h chargement des 180 porcs dans un semi-remorque ARCA sans mélanges
J + 1 6h déchargement à l’abattoir Gatine viandes
J + 1 9h abattage, relevé individuel des poids carcasse et du pH1
J + 2 9-10h découpe, relevé individuel des pH 24 sur jambon et longe, désossage des jambons 4D
J + 3 7h réception Fleury Michon puis transformation en jambon cuit supérieur.
Les porcs consomment sur l’aire d’attente en moyenne 1,22 litre sur 16 heures et 0,36 litre en 8 heures.
La consommation d’eau n’est pas négligeable dans le cas des animaux sortis 16 heures avant l’embarquement (graphique 1). Les porcs alimentés en soupe présentent des niveaux de consommations d’eau légèrement supérieurs pour un temps de présence de 16 heures et nettement supérieurs pour un temps de 8 heures comparés aux porcs alimentés au nourrisseur. La part de l’eau réellement bue par les porcs est difficile à estimer. Les porcs alimentés au nourrisseur disposaient sur l’aire d’attente du même système d’abreuvement par pipette qu’en salles d’engraissement. L’effet jeu et nouveauté a vraisemblablement été plus important pour les porcs alimentés en soupe qui ne disposent pas d’abreuvement complémentaire en case d’ engraissement.
La consommation d’eau varie selon la saison avec des niveaux consommés légèrement moindres en hiver 2007 (graphique 2). L’été 2007 n’ayant pas été très chaud (17 °C en moyenne sur 24h le jour de l’essai), nous n’avons pas pu tester l’effet de températures extrêmes sur les niveaux d’eau consommée.
L’abreuvement des porcs sur le quai réduit la perte de poids de carcasse
L’effet global de l’abreuvement indépendamment du mode d’alimentation des porcs réduit la perte de poids de carcasse de façon statistiquement significative (graphique 3).
Une analyse plus fine par mode d’alimentation met en évidence un effet significatif de l’abreuvement sur le rendement carcasse uniquement dans le cas d’une alimentation au nourrisseur (graphique 4).
Les porcs alimentés au nourrisseur en élevage et présents 16 heures sur le quai sans eau accusent une réduction significative du rendement carcasse de 0,63 point % ou près de 725 g pour un porc de 115 kg vif. Les porcs alimentés en sec au nourrisseur consomment réellement de l’eau sur le quai d’embarquement sur des périodes longues (16 h). À l’inverse les porcs alimentés en soupe jouent vraisemblablement plus avec l’eau.
Nous ne constatons pas de perte de rendement carcasse pour les porcs alimentés en soupe. Ceci peut être expliqué par les quantités d’aliment et d’eau ingérées plus importante lors du dernier repas (en moyenne 800 g d’aliment et 2,4 litres d’eau). On peut remarquer la différence de rendement carcasse assez marquée entre les 2 modes d’alimentation. Les porcs alimentés au nourrisseur présentent de meilleurs rendements carcasses (+0,96 point % en moyenne).
L’abreuvement des porcs sur le quai n’a pas modifié les critères de qualité de la viandeLe tableau 2 présente les moyennes par lot sur les critères de poids de carcasse, rendements de carcasse et de qualité de la viande mesurés à l’abattoir et en découpe.
Le pH1 mesuré 30 minutes après abattage, le pH ultime des jambons et longes et la couleur (Valeurs L*, a*, b* mesurées à l’aide d’un chromamètre MINOLTA) ne sont pas modifiés par l’abreuvement des porcs sur le quai de l’élevage. Seul le rendement carcasse est augmenté dans le cas où les porcs sont alimentés au nourrisseur et sont abreuvés 16 heures sur le quai.
À noter par ailleurs, l’effet du rationnement des porcs en mode d’alimentation en soupe (3 repas) sur le poids carcasse plus faible et la composition des carcasses significativement plus maigres (TMP augmenté de + 1,5 point) relativement aux porcs alimentés au nourrisseur.
Le rendement de cuisson est en moyenne diminué pour les porcs abreuvés 16 h en mode d’alimentation sec au nourrisseurL’analyse du rendement à la cuisson en jambon supérieur met en évidence un effet négatif de l’abreuvement des porcs sur le rendement à la cuisson dans le cas d’une alimentation au nourrisseur (graphique 5). Le rendement de cuisson des jambons issus de porcs abreuvés 16 heures est inférieur de 2,7 points %. Une teneur en eau plus importante des muscles des porcs abreuvés 16 heures peut expliquer ce résultat. Le cadre de cette étude n’a pas permis d’expliquer cet écart de rendement.
Cependant le rendement tranchage est augmenté pour les porcs abreuvés 16 h en mode d’alimentation au nourrisseur
L’absence d’abreuvement des porcs 16 heures sur le quai d’embarquement a réduit de 2,6 points % le rendement de tranchage des pains de jambon (graphique 6).
Il en ressort pour les porcs alimentés au nourrisseur un effet global quasi nul de l’impact de l’abreuvement sur les rendements à la transformation en jambons cuits supérieurs.
Les données des porcs alimentés en soupe ne montrent pas d’effet significatif de l’abreuvement sur le rendement de fabrication du jambon cuit.
L’abreuvement des porcs sur le quai à l’élevage n’a pas modifié le poids des estomacs contrôlés à l’abattoir
Le poids moyen des estomacs a été contrôlé à l’abattoir nous n’avons pas relevé d’effet de l’abreuvement sur le quai, sur le poids moyen des estomacs selon les modalités d’alimentation en élevage et d’abreuvement sur quai (graphique 7).
Par contre, nous avons observé un effet significatif du mode d’alimentation sur le poids des enveloppes stomacales et des chaudins (gros intestins) qui peuvent expliquer un poids de viscères supérieur dans le cas des animaux alimentés en soupe et par conséquent des rendements carcasses assez régulièrement inférieurs en mode d’alimentation soupe par rapport au mode d’alimentation au nourrisseur (graphiques 8 et 9).
CONCLUSION
Sur des périodes de repos longues de 16 heures dans le local d’embarquement, les porcs consomment en moyenne 1,22 litre d’eau. Sur une période plus courte de 8 heures, les quantités sont nettement moindres (0,36 litre).
L’abreuvement des porcs sur le quai n’est bénéfique sur le rendement carcasse qu’en mode d’alimentation au nourrisseur et si l’éleveur sort ses porcs plus de 8 h avant l’arrivée du camion. En mode d’alimentation soupe, l’intérêt de l’abreuvement est moins évident du fait de la quantité importante d’eau ingérée lors du dernier repas qui limite vraisemblablement les pertes de poids carcasse. Les porcs alimentés en soupe découvrent le système pipette sur le quai d’embarquement et semblent davantage jouer que boire réellement l’eau.
L’abreuvement des porcs ne modifie pas la qualité de la viande (pH, couleur) et ni le rendement global de transformation en jambon cuit supérieur.
Le gain carcasse moyen mesuré dans cette étude, pour des porcs de 115 kg vifs en mode d’alimentation nourrisseur, est de 725 g par porc produit si l’éleveur sort ses porcs habituellement 16 heures avant l’arrivée du camion et s’il dispose d’un système d’abreuvement.
Dans le cas inverse, pour un élevage de 200 truies (naisseur engraisseur), nous avons calculé que le manque à gagner sans abreuvement est de 3 045 kg carcasse par an (21 porcs produits*200 truies*0,725 kg) soit une perte estimée, à partir des données de référence GTE 2006, de 4232€ (sur la base de 1,39 €/kg de carcasse).
L’investissement en matériel peut être chiffré à moins de 1 500 € Ht pour un local de 20 cases de 10 porcs équipé de 1 à 2 pipettes par case, d’un compteur d’eau général et de vannes d’arrêts (pose non incluse).
L’installation d’un système d’abreuvement sur quai d’attente est donc favorable en termes économiques et semble un point de bien-être dans le cas où les porcs sont alimentés habituellement au nourrisseur et si les porcs sont sortis sur le local d’embarquement plus de 8 heures avant l’arrivée du camion.
Remerciements
Remerciements au personnel de la Station porcine de Romillé, du groupement ARCA, de l’abattoir Gatine Viandes ainsi que de la salaison Fleury Michon.
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