
L’Institut de l’Élevage a réalisé une enquête pour mieux cerner les éventuels effets de la mise aux normes "bien-être" des élevages de veaux sous la mère sur la couleur de la viande et d’en hiérarchiser l’importance par rapport aux principaux facteurs de variation connus. Les résultats semblent montrer que l’application de la directive a un impact limité voir favorable dans un certain nombre d’élevages aux normes.
Confrontée à la mise aux normes "bien-être" (application de la Directive 97121CE établissant les normes minimales relatives à la protection des veaux), la filière des veaux sous la mère se mobilise pour mettre en place les cases collectives, sachant que les éleveurs bénéficient d’un délai, dans le cadre du second pilier de la PAC. Cependant, faute d’études précises et adaptées à cette production, les éleveurs rencontrent des difficultés techniques liées à la couleur de la viande, critère conditionnant le prix des carcasses. Pour ne pas briser la dynamique enfin engagée depuis plusieurs mois, des éléments techniques doivent être rapidement apportés quant à l’éventuel impact de la mise aux normes sur la couleur de la viande.
Une évolution favorable de la couleur, ainsi que semblent le montrer certaines observations, serait de nature â convaincre les producteurs encore réticents. C’est la raison pour laquelle la profession par la voix de la FNB (Fédération nationale bovine) a demandé à l’institut de l’Elevage de réaliser une étude sur le sujet.
Le principal objectif de cette étude est d’acquérir une meilleure connaissance des facteurs de variation de la couleur de la viande des veaux sous la mère, pour assurer une meilleure maîtrise de la qualité du produit, dans le cadre de l’évolution réglementaire des pratiques d’élevage Il s’agit notamment de bien cerner les éventuels effets de la mise aux normes des élevages (type de logement, muselière, apport d’aliment fibreux...) sur la couleur de la viande et d’en hiérarchiser l’importance par rapport aux principaux facteurs de variation connus de la couleur de la viande de veau.
MATERIEL ET METHODE
Une enquête de terrain conduite en 2 étapes
L’enquête de terrain, conduite entre décembre 2005 et avril 2006 a consisté dans une première étape à rencontrer des principales OP (Organisations de producteurs) de veaux sous la mère afin de mieux connaître leur point de vue sur les conséquences de la mise aux normes quant à la qualité des carcasses, notamment la couleur. Les entretiens ont été réalisés auprès de responsables de 18 des 24 OP adhérentes au CIVO (Comité interprofessionnel “Veau sous la mère”). Ils ont été conduits sous une forme non directive et se sont déroulés en novembre et décembre 2005. Les 18 OP rencontrées représentent un total de 4826 éleveurs pour une production estimée à 68000 veaux (soit l’équivalent de 71 % du parc entrant dans une démarche label). Elles proviennent de 3 bassins de production caractérisés par le type racial dominant des veaux produits : Limousin (9 OP; Race limousine), Aquitaine (5 OP; Race Blonde d’Aquitaine), Midi-Pyrénées (4 OP ; Race Croisée à dominante Blonde d’Aquitaine). Dans la seconde étape, une étude comparative des données d’abattoir obtenues avant et après mise aux normes dans un grand nombre d’élevages a été réalisée pour quantifier les variations de couleur des carcasses de veaux.
Le choix des élevages
À partir des listes proposées par les OP, les élevages retenus dans la seconde étape ont été choisis selon les critères de sélection suivants :
- élevages ayant livré plus de 10 veaux en 2003 et en 2005 ;
- mise aux normes des élevages réalisés entre le 1er janvier au 31 août 2004 ;
- vérification d’après l’enquête "éleveurs" que tous les élevages proposés sont strictement aux normes c’est-à-dire pas de muselière et veaux logés en cases collectives ;
- seuls les veaux dits "labellisables" (âge à l’abattage compris entre 90 et 168 jours et poids de carcasse compris entre 85 et 170 kg) sont retenus dans l’analyse.
Compte tenu de ces éléments, 260 élevages (ayant livré 5462 veaux en 2003 et 5449 veaux en 2005) dans l’échantillon sont retenus dans l’analyse.
Les données collectées et analysées sont celles figurant sur les tickets de pesées transmis par les abattoirs via les OP. Il s’agit de la date d’abattage, de la couleur, du poids de carcasse froid, de l’état d’engraissement, de la conformation, de la date de naissance du veau, du sexe, du type racial et de la race de la mère.
L’analyse statistique a été effectuée en 2 temps :
- analyse descriptive globale, par région et par OP ;
- étude de probabilités (appelées "réponses") des "facteurs veaux" (interactions données d’abattage, site d’abattage et saison) susceptibles d’expliquer la variation inter annuelle de la couleur.
PEU D’EFFET DE LA MISE AUX NORMES SUR LA COULEUR, UN AVIS EXPRIMÉ PAR LA PLUPART DES RESPONSABLES DES OP ENQUÊTÉES
Une très forte majorité des responsables d’OP interrogées lors des entretiens accordent peu d’effets de la mise aux normes sur la qualité des carcasses. Certains notent une légère dégradation de la couleur mais aucune amélioration n’est cependant ressentie sur ce critère. Les autres caractéristiques de carcasses telles que la conformation et l’état d’engraissement n’auraient pas évolué.
En revanche, plus de la moitié des personnes rencontrées semblent noter un gain de croissance estimé entre 5 et 15 jours dans les élevages aux normes. Cette évolution serait à relier essentiellement à l’amélioration de la qualité du travail de l’éleveur et à l’abandon de vieux bâtiments non aménageables en cases collectives. Enfin, la détection des problèmes sanitaires moins facile en case collective conduirait à un taux de morbidité plus élevé que par le passé.
S’agissant des conséquences au niveau de la filière, la plupart des personnes rencontrées redoute une chute du nombre d’adhérents dans leur structure, en raison notamment de l’abandon de la production par les petits producteurs livrant quelques veaux qui ne réaliseront vraisemblablement pas leurs travaux d’aménagement et d’autres qui pourraient s’orienter vers des productions alternatives (production de broutards par exemple) ou anticiper leur départ en retraite.
La mise aux normes a été très progressive à se mettre en place, notamment dans certaines régions où les éleveurs semblaient espérer une révision des termes de la directive.
L’interdiction du port de la muselière a été l’un des points de la directive le plus difficile à faire accepter aux éleveurs, ceux-ci craignant une détérioration de la couleur et de l’état sanitaire des veaux. Grâce aux efforts de communication de la filière et l’expérience positive d’un grand nombre d’éleveurs, cette mesure d’interdiction semble aujourd’hui mieux acceptée et ne semble pas poser de problème particulier si toutes les précautions sont prises au niveau de l’élevage pour éviter les apports de fer parasite. Le choix des matériaux de construction et la qualité de la litière sont deux éléments essentiels à ce niveau.
En conclusion, la tendance exprimée au cours de ces entretiens montre que les modifications des pratiques d’élevage induites par la mise aux normes "bien- être" (logement en case collective et interdiction du port de la muselière) semblent avoir un effet limité sur la couleur des veaux sous la mère. Il convient néanmoins de vérifier, par des relevés de terrain plus précis, les liens éventuels entre la couleur des carcasses et les multiples facteurs de variation potentiels, liés soit à l’animal lui-même (race, poids...), soit à la conduite d’élevage. Ceci constitue l’objet du travail conduit dans la 2e étape.
UNE TENDANCE DANS LE SENS D’UN ÉCLAIRCISSEMENT D’APRÈS L’ANALYSE DESCRIPTIVE GLOBALE
Globalement sur les 5462 et 5449 veaux retenus en 2003 et en 2005, la proportion de carcasses observées au sein de chaque classe de couleur évolue peu. Les veaux rosé clair (note égale à 2) représentent la classe majoritaire de l’effectif qui demeure très stable d’une année à l’autre (près de 50 %). Les veaux blancs (note égale à 1) concernent 34 % de l’échantillon en 2003 et 37,5 % en 2005 soit une évolution plutôt favorable. Ce résultat est indépendant du bassin de production (Limousin, Aquitaine et Midi-Pyrénées). L’approche par OP indique que seules 2 des 10 OP (n° 15 et n° 17) participant à l’étude ont observées une détérioration de la couleur.
D’après ces éléments, l’application de la directive "bien-être" a selon toute vraisemblance un effet limité sur la couleur de la viande de veaux sous la mère. Globalement, la tendance serait plutôt dans le sens d’une amélioration si l’on en juge par le pourcentage de veaux classés “blancs” qui a légèrement augmenté en 2005.
On peut expliquer indirectement les évolutions favorables de la couleur par l’amélioration des conditions de production induite par la mise aux normes : meilleure maîtrise technique, amélioration de l’ambiance des bâtiments... Ce résultat encourageant peut sans doute permettre de convaincre les éleveurs encore réticents.
EFFET NON DÉMONTRÉ DES "FACTEURS VEAUX" SUR L’ÉVOLUTION INTER — ANNUELLE DE LA COULEUR
Les probabilités d’obtention de la classe de couleur 1 exprimées dans le tableau 5 montrent qu’il existe une interaction significative "année*poids" dans 4 des 10 OP observées (OP n° 10, 11, 15 et 17). On note par ailleurs que pour les OP n° 10, 11 et 15, la variation de couleur entre 2003 et 2005 est surtout expliquée par une dégradation très nette de la couleur des veaux les plus lourds, c’est à dire appartenant à la classe 4 (148- 170 kg). Cette dégradation varie de 15 points (OP 10 et 11) à plus de 40 points pour l’OP 15.
En revanche, l’OP n° 17 observe une tendance inverse : les veaux les plus lourds (148-170 kg) n’ont subi aucune variation entre 2003 et 2005, contrairement aux autres classes de poids.
D’après le tableau 6, l’âge des veaux à l’abattage n’a pas ou peu d’incidence sur l’évolution de la couleur entre 2003 et 2005. Une seule OP (n° 17) note une interaction significative "année *âge" où les veaux les plus jeunes seraient plus sensibles à une détérioration de la couleur.
Le sexe des veaux
L’effet du sexe sur l’évolution de la couleur des veaux entre 2003 et 2005 n’a pu être analysé qu’à partir des données fournies par deux OP en raison d’un nombre de données manquantes trop important dans le reste de l’échantillon. Aucune interaction significative "année*sexe" n’est observée au sein de ces deux OP.
En résumé, les trois facteurs poids de carcasse, âge à l’abattage et sexe des veaux analysés dans le cadre de cette étude n’ont pas ou très peu d’incidence sur l’évolution inter annuelle de la couleur.
L’étude comparative des données d’abattage collectées en 2003 et en 2005 dans 260 élevages ayant réalisé leur mise aux normes en 2004 confirme les avis exprimés par certains responsables d’organisations de producteurs : l’application de la directive "bien-être" a un effet limité, bien que parfois perçu, sur la couleur de la viande de veaux sous la mère.
Si l’on considère les veaux classés blancs (note de couleur égale à 1), cette classe représente en moyenne 34 % de l’échantillon en 2003 et 37,5 % en 2005. Parallèlement, le pourcentage de veaux classés rosés clairs (note de couleur égale à 2) est stable, proche de 50%. Par conséquent, ce résultat tend à montrer que la tendance serait plutôt dans le sens d’une amélioration. Il convient toutefois de nuancer ce constat selon l’OP où il existe une variabilité importante liée selon toute vraisemblance aux différentes conditions de notation propres à chaque site d’abattage. Néanmoins, seules 2 des 10 OP participant à l’étude ont noté une détérioration de la couleur entre 2003 et 2005, et pour l’une d’entre elle, cette évolution est à relativiser compte tenu d’un niveau très élevé de la classe 1 observé en 2003 (près de 75 % des veaux).
Aucun effet régional n’a pu être mis en évidence. Dans les trois pôles de production considérés (Limousin, Aquitaine et Midi-Pyrénées), la tendance est similaire et conforme à l’évolution globale.
L’absence d’effet d’autres facteurs explicatifs tels que le poids de carcasse, l’âge à l’abattage et le sexe des veaux vient conforter ces conclusions. L’analyse statistique a été réalisée uniquement sur ces trois critères jugés les plus pertinents et/ou pour lesquels les données étaient disponibles. La prise en compte d’autres facteurs, en particulier la race et la conduite d’élevage (alimentation, litière...) n’a pas été abordée dans cette étude.
Enfin, on peut tenter d’expliquer indirectement les évolutions favorables de la couleur observées chez certaines OP par l’amélioration des conditions de production induite par la mise aux normes : meilleure maîtrise technique, amélioration de l’ambiance des bâtiments...
Remerciements
Cette étude a été co-financée par Interbev et l’Office de l’Élevage. Elle a bénéficiée de l’appui technique du CIVO. Nous tenons à remercier tous les organismes qui ont participé à ce travail en acceptant de nous transmettre leurs fichiers de données, en l’occurrence les organisations de producteurs et les abattoirs.
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