
| Résumé de l'article | Article au format livre flash | Article au format pdf | Abstract |
La majorité des porcelets mâles sont castrés à un jeune âge pour éviter les mauvaises odeurs qui se manifestent lors de la cuisson des viandes de certains mâles entiers. Cette pratique est de moins en moins acceptée en raison de la douleur infligée à l’animal pendant et après l’opération. Trois alternatives sont actuellement envisageables et pratiquées de façon inégale selon les pays, mais il reste encore de nombreux freins à leur développement.
La pratique de la castration chirurgicale des porcelets est de plus en plus remise en cause en raison de la douleur que l’opération entraîne pour l’animal. Cette pratique est motivée par le fait que les viandes de certains porcs mâles entiers présentent, aux stades usuels d’abattage, des odeurs désagréables qualifiées d’odeurs sexuelles. Outre la douleur infligée à l’animal pendant et après l’opération, la castration se traduit aussi par une baisse sensible des performances en termes d’efficacité alimentaire et de teneur en muscles de la carcasse. Une première alternative consiste à pratiquer une anesthésie et/ou une analgésie pour atténuer la douleur pendant et après l’opération. L’immunocastration (un vaccin spécifique inhibant le développement sexuel) est une deuxième alternative envisageable. Enfin, il est également possible de ne rien faire et d’élever les animaux entiers (non castrés). Des articles de synthèse en Français sur les différentes alternatives à la castration chirurgicale des porcelets sont disponibles (Prunier et Bonneau, 2006a, 2006b, 2008). L’action Cost IPEMA, financée par l’Union Européenne, a démarré en 2016 pour fédérer les recherches conduites en Europe sur l’élevage de porcs mâles entiers et l’immunocastration (IPEMA 2016). IPEMA a co-organisé une session lors du congrès annuel de l’EAAP sur le thème des "Alternatives à la castration chirurgicale des porcelets sans soulagement de la douleur" (Alternatives to surgical castration of male piglets without pain relief) au cours de laquelle un certain nombre de résultats originaux ont été présentés que nous allons présenter brièvement dans cet article.
L'objectif global de l'action COST IPEMA est de trouver et diffuser des solutions générales, spécifiques à une région ou spécifiques à une chaîne pour le développement d'alternatives à la castration chirurgicale des porcs mâles, comme indiqué en introduction. IPEMA recherche des solutions intégrées prenant en compte la qualité de la viande (odeurs sexuelles, capacité de rétention d'eau, tendreté, quantité et qualité de la matière grasse), le bien-être animal, l'élevage, la nutrition et l'économie. IPEMA vise à coordonner la recherche entre les programmes nationaux et combler les lacunes de connaissances entre différents domaines en Europe et entre la science et les acteurs des filières de production. Les objectifs spécifiques sont : 1. Guider les programmes d'élevage pour les systèmes de production porcine avec mâles entiers (odeurs sexuelles, autres caractéristiques de la viande, comportement), 2. Développer des concepts nutritionnels pour les porcs mâles entiers et les immunocastrés (besoins alimentaires, odeurs sexuelles, quantité et qualité du gras) 3. Définir les conditions spécifiques de logement, de conduite d’élevage, de transport et d'abattage des mâles entiers, 4. Evaluer les innovations dans les systèmes de classement et de contrôle de la qualité de la viande (odeurs sexuelles, autres caractéristiques de la qualité de la viande), 5. Apporter une aide aux innovations dans le domaine de la transformation des viandes pour pallier aux défauts spécifiques des viandes de porcs mâles entiers, 6. Développer des stratégies d'information spécifiques pour les pays européens et les marchés d'exportation et harmoniser les études sensorielles sur les odeurs sexuelles. IPEMA, qui a débuté en octobre 2016 et se terminera en septembre 2020, rassemble actuellement 128 participants de 29 pays, dont 24 européens. IPEMA souhaite étendre son adhésion en incluant plus de membres 1. de la partie orientale de l'Europe, des pays voisins et d'autres partenaires internationaux et 2. des différents étages des filières porcines, producteurs et industriels d’amont et d’aval.
Le projet de recherche "Castrum", soutenu par l’Union Européenne (Fontanesi et al., 2017) a collecté de l’information dans 21 pays Européens sur les méthodes utilisées pour soulager la douleur éprouvée par les porcelets au moment de la castration chirurgicale. Les principaux résultats ont été présentés par Von Borell et al. (2017). L'utilisation systématique de l'anesthésie avec ou sans analgésie supplémentaire pour le soulagement de la douleur pendant la castration chirurgicale des porcelets mâles est actuellement limitée à certains pays (Pays-Bas, Norvège, Suède et Suisse). Il existe une grande hétérogénéité entre les pratiques dans différents pays. L'utilisation de l'analgésie seulement (sans utilisation concomitante de l'anesthésie) a été signalée dans d'autres pays dans le cadre de leurs programmes nationaux d'assurance qualité. Les études scientifiques montrent qu’il est nécessaire de combiner anesthésie et analgésie pour soulager effectivement la douleur pendant et après l’intervention. Les anesthésies par inhalation de CO2/O2 ou par injection de kétamine/azapérone ne sont pas satisfaisantes en raison des risques sérieux concernant le caractère aversif du CO2, les limites de sécurité trop étroites, le stress lié à la manipulation des animaux, la praticabilité et la faisabilité économique. Certaines pratiques, telles que l'anesthésie locale et l'anesthésie par inhalation d’isoflurane/sévoflurane, combinées avec un traitement préventif analgésique, pourraient être envisagées, car ces interventions alternatives semblent être supérieures aux autres méthodes en termes d'efficacité, d’effets secondaires et de risques. Mais les analgésiques actuellement utilisés ont une durée de demi-vie limitée à quelques heures et l'application d'analgésiques et d'anesthésiques impose en général une manipulation et un stress supplémentaires aux porcelets. L'enquête a également démontré que dans certains pays, ces méthodes ne pourront être acceptées que si les agriculteurs sont autorisés à effectuer eux-mêmes les interventions après une formation spéciale.
Les porcs mâles entiers sont plus actifs et manifestent plus d’agressivité à l’égard de leurs congénères que leurs homologues castrés ; ils ont aussi plus tendance à les chevaucher (comportements sexuels). Ces comportements spécifiques du mâle entier peuvent nuire au bien-être des animaux pendant l’élevage et conduire à une augmentation des lésions sur les carcasses. La conduite d’élevage des mâles entiers doit être adaptée pour minimiser ces effets indésirables ; les principaux leviers relèvent de l’alimentation (Ebschke et al., 2017 ; Quiniou et al., 2017) et de l’amélioration générale de l’ambiance et des conditions de logement. Ainsi Backus (2017) indique qu’un faible nombre de places à l’auge, une alimentation restreinte, un approvisionnement en eau insuffisant, une ambiance climatique sous-optimale et la peur des humains étaient associés à des niveaux plus élevés de comportements agressifs et à plus de lésions cutanées. Des cloisons partiellement ouvertes, des loges et des porcs propres, des caillebottis plus espacés et une alimentation par une auge longue ont été associés à une moindre expression des comportements sexuel et agressif et à une réduction des lésions cutanées.
L’incidence des odeurs sexuelles des viandes de porc mâle entier est fortement dépendante de facteurs génétiques (Backus, 2017). De nombreux QTLs significativement associés aux niveaux des composés responsables des odeurs ont été identifiés (Drag et al., 2017) et, d’un point de vue pratique, il est possible d’opérer une sélection assistée par marqueurs pour réduire les défauts d’odeurs (Maignel et al., 2017). L’androsténone, l’un des deux composés principaux tenus pour responsable de ces odeurs, est un stéroïde d’origine testiculaire essentiellement dépendant de facteurs génétiques. Des voies de contrôle nutritionnel de l’androsténone ont été envisagées via l’utilisation d’adsorbant, mais sans grand succès (Canibe et al., 2017). Le contrôle alimentaire du scatol, le deuxième composés responsable des odeurs sexuelles, un dérivé du tryptophane produit dans le gros intestin, est par contre bien connu (Wesoly et Weiler, 2012). Les conditions d’élevage impactent aussi très significativement les niveaux de composés responsables des odeurs sexuelles. A cet égard il a été ainsi établi qu’on peut réduire l’incidence de ces odeurs en augmentant la place à l’auge et en améliorant la propreté des loges et des animaux (Backus 2017) ou en réduisant les niveaux de stress et d’agressivité (Heyrman et al., 2017).
L’immunocastration consiste à vacciner les animaux contre le GnRH. Après une première vaccination qui prime les animaux sans effet notable sur leur développement sexuel, une deuxième vaccination pratiquée quelques semaines avant l’abattage se traduit par une régression testiculaire et une diminution drastique des secrétions de stéroïdes testiculaires. Ceci aboutit à une forte réduction des comportements agressifs et de monte caractéristiques des porcs mâles entiers et aussi à une forte diminution des composés responsables des odeurs sexuelles (Ebschke et al., 2017). Plus d’information sur l’immunocastration est disponible dans l’article de synthèse de Čandek-Potokar et al. (2017).
Dans le cadre du projet Castrum évoqué plus haut (Fontanesi et al., 2017), une enquête a été réalisée dans 16 pays européens pour évaluer la sensibilité de 272 situations (produits ou systèmes de production) à l’utilisation de porcs males entiers (Bonneau et al., 2017). Les résultats obtenus dans cette étude ne sont que préliminaires en raison de l’insuffisance des informations obtenues. Ils montrent cependant que certains systèmes de production se différenciant de la production standard pour viser une qualité supérieure des produits et/ou un mode de production plus durable pourront difficilement envisager d’utiliser des porcs mâles entiers en raison de l’accumulation de difficultés en termes d’incidence des odeurs sexuelles, de détérioration des autres qualités du produit et de conduite des animaux. Les résultats de cette étude ont été publiés dans une revue à comité de lecture et sont disponibles pour tous en open access (Bonneau et al., 2018).
Au niveau mondial, la castration chirurgicale des porcelets est encore la pratique dominante. L’immunocastration est une pratique courante depuis longtemps en Australie et en Nouvelle Zélande, depuis plus récemment au Brésil et d’autres pays d’Amérique Latine. Bien que le vaccin d’immunocastration soit maintenant approuvé par l’Union Européenne, cette pratique est encore peu répandue car beaucoup d’acteurs des filières craignent une réaction négative des consommateurs. L’élevage de porcs mâles entiers, très majoritaire depuis de nombreuses années au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne, a fait récemment une percée spectaculaire aux Pays-Bas (60% des mâles) et des progrès significatifs en Belgique, en France et en Allemagne (environ 20% des mâles). Un abandon pur et simple de la castration chirurgicale, même avec anesthésie/analgésie, est souhaité à terme par une majorité des acteurs des filières. Pour ce faire, il faudra encore progresser en termes de contrôle des odeurs sexuelles, de maîtrise des autres caractéristiques qualitatives des viandes (en particulier la quantité et la qualité du gras) et de limitation des comportements indésirables spécifiques des mâles entiers. L’acceptabilité sociale de l’immunocastration reste un problème non résolu dans de nombreux pays. Enfin, certains systèmes de production très différenciés devront sans doute envisager de déroger à la production d’animaux non castrés.
Références :
IPEMA 2016. http://www.ca-ipema.eu/
Backus G.B.C., 2017. Producing and marketing entire male pigs. 68th Annual Meeting of the EAAP, Tallinn, Estonia, 28-31 August, p. 215.
Bonneau M., Čandek-Potokar M., Škrlep M., Font-I-Furnols M., Aluwé M., Fontanesi L., 2017. Evaluation of alternatives to surgical castration in heavy pigs for traditional products (CASTRUM). 68th Annual Meeting of the EAAP, Tallinn, Estonia, 28-31 August, p. 216.
Bonneau M., Čandek-Potokar M., Škrlep M., Font-i-Furnols M., Aluwé M., The Castrum network, Fontanesi L., 2018. Potential sensitivity of pork production situations aiming at high-quality products to the use of entire male pigs as an alternative to surgical castrates. Animal, 12, 1287-1295. doi:10.1017/S1751731117003044.
Čandek-Potokar M., Škrlep M., Zamaratskaia G., 2017. Immunocastration as Alternative to Surgical Castration in Pigs. Theriogenology, Dr. Rita Payan Carreira (Ed.), InTech, DOI: 10.5772/intechopen.68650. Disponible à : https://www.intechopen.com/books/theriogenology/immunocastration-as-alternative-to-surgical-castration-in-pigs
Canibe N., Frederiksen J., Brehmer L.S., Jensen B.B., 2017. Feeding adsorbents to reduce androstenone in plasma and backfat of boars. 68th Annual Meeting of the EAAP, Tallinn, Estonia, 28-31 August, p. 218.
Drag M., Hansen M.B., Kadarmideen H.N., 2017. Expression quantitative trait loci reveals genes and pathways associated with boar taint in pigs. 68th Annual Meeting of the EAAP, Tallinn, Estonia, 28-31 August, p. 219.
Ebschke S., Weber M., Von Borell E., 2017. Performance and welfare assessment in entire males compared to anti GnRH vaccinated boars. 68th Annual Meeting of the EAAP, Tallinn, Estonia, 28-31 August, p. 217.
Fontanesi L., Aluwé M., Bonneau M., Buttazzoni L., Čandek-Potokar M., Courboulay V., Failla S., Font-I-Furnols M., Fredriksen B., Škrlep M., Von Borell E., 2017. CASTRUM project: a survey on male pig castration for traditional and conventional products in Europe. 68th Annual Meeting of the EAAP, Tallinn, Estonia, 28-31 August, p. 215.
Heyrman E., Millet S., Tuyttens F., Ampe B., Janssens S., Buys N., Wauters J., Vanhaecke L., Aluwé M., 2017. Aggression, stress, leanness, feed, and their relation to boar taint. 68th Annual Meeting of the EAAP, Tallinn, Estonia, 28-31 August, p. 218.
Maignel L., Fortin F., Gagnon P., Jafarikia M., Squires J., Sullivan B, 2017. Use of genetic markers to reduce boar taint in Canadian pigs – validation in commercial trials. 68th Annual Meeting of the EAAP, Tallinn, Estonia, 28-31 August, p. 221.
Prunier A., Bonneau M., 2006a. Quelles alternatives à la castration des porcelets ? Journées de la Recherche Porcine en France, 38, 427-435.
Prunier A., Bonneau M., 2006b. Y a-t-il des alternatives à la castration chirurgicale des porcelets? INRA Production Animale, 19, 347-356.
Prunier A., Bonneau M., 2008. Les alternatives à la castration chirurgicale chez le porcelet: les implications pour le vétérinaire. Le nouveau praticien vétérinaire, élevages et santé, 8, 51-56.
Quiniou N., Valable A.S., Lebas N., Courboulay V., 2017. Influence of feeding level and dietary energy content on performance and behaviour of entire male pig. 68th Annual Meeting of the EAAP, Tallinn, Estonia, 28-31 August, p. 217.
Von Borell E., Courboulay V., Fredriksen B., Fontanesi L., 2017. Evaluation of information on methods for anaesthesia and analgesia for male pig castration (CASTRUM). 68th Annual Meeting of the EAAP, Tallinn, Estonia, 28-31 August, p. 216.
Wesoly R., Weiler U., 2012. Nutritional influences on skatole formation and skatole metabolism in the pig. Animals 2012, 2, 221-242; doi:10.3390/ani2020221
No events |
Pour Accéder au site V&PC depuis votre smartphone,
veuillez scanner ce flashcode.