La revue Viandes et produits carnés

La revue française de la recherche en viandes et produits carnés  ISSN  2555-8560

flickrfacebooktwitterdiggstumbleuponfeed

 BIEN-ETRE ANIMAL

 
 

Lecture d’actualité : Génétique des animaux d’élevage

 

Génétique des animaux d’élevage – diversité et adaptation dans un monde changeant. 
 
elevage agroecologieEn 288 pages et quinze chapitres, cet ouvrage dresse un panorama de l’histoire et des méthodes de la génétique animale et de la dynamique de changement qui s’est opérée au cours de la dernière décennie. Il dessine aussi les perspectives et les enjeux futurs de la sélection animale. Nous en reproduisons ici l’introduction avec l’aimable autorisation des éditions Quae.
 

Depuis l’aube des temps, les humains ont eu un impact sensible sur leur environnement et ont contribué à faire évoluer les espèces qui les entouraient. En particulier, au cours du processus de domestication, ils ont induit une pression sur certaines espèces, en choisissant et organisant la reproduction des individus les plus adaptés à la cohabitation avec eux ou, plus globalement, ceux dont les aptitudes correspondaient le mieux à ce qu’ils en attendaient (nourriture, travail, vêtements …). La domestication des espèces animales, il y a 10 000 ans ou plus, est ainsi à l’origine de leur sélection et du démarrage de ce que l’on désigne aujourd’hui comme leur « amélioration génétique ». Cette sélection, totalement empirique initialement, a fait évoluer le comportement, le format et les « performances » des espèces domestiquées, contribuant progressivement à l’établissement des pratiques d’élevage.

 

Au cours du XXe siècle, avec les progrès des connaissances accumulées en génétique et en statistique, les méthodes de la « génétique quantitative » ont été mises en place, permettant d’estimer la valeur génétique d’un individu (c’est-à-dire les performances moyennes attendues pour ses descendants) et de prédire le progrès génétique attendu d’une génération à la suivante. Ces méthodes, fondées exclusivement sur la connaissance des performances et des apparentements entre animaux, ont permis une sélection très efficace. L’organisation de l’élevage en a été profondément modifiée. C’est notamment le cas des espèces et filières où l’insémination artificielle s’est imposée en tant que mode de reproduction, comme les ruminants laitiers, où il a été possible d’utiliser à grande échelle un petit nombre de mâles très performants. C’est aussi le cas de toute l’aviculture et de l’élevage porcin, où la sélection a pu se focaliser sur des noyaux de sélection, les animaux « commerciaux » étant issus de plans de croisement entre reproducteurs de différentes lignées spécialisées.

Ces méthodes, bien que très efficaces, considèrent le génome comme une « boîte noire » et ignorent totalement les gènes influençant les caractères d’intérêt, leur fonctionnement et l’effet de leur polymorphisme sur les performances des animaux.

Depuis les années 1990, l’essor des techniques de génétique moléculaire entrouvre progressivement cette
« boîte noire ». L’émergence de la PCR, technique permettant d’amplifier puis d’analyser spécifiquement un endroit précis du génome, a ouvert la voie à l’identification et l’étude de très nombreux marqueurs génétiques polymorphes répartis sur l’ensemble du génome. Après une période d’identification de quelques gènes ayant un effet majeur sur les performances, et pour lesquels il a été possible de fixer les allèles (Ndlr : chacune des versions possibles d'un même gène) favorables, les généticiens ont toutefois constaté qu’un très grand nombre de régions du génome, et donc de gènes, influençaient chacun des caractères d’intérêt. Ceci est d’ailleurs en cohérence totale avec l’efficacité des méthodes de génétique quantitative basées sur l’hypothèse que les caractères sont régulés par un très grand nombre de gènes, ayant tous un effet très petit.

Dès les premières années du nouveau millénaire, l’efficacité croissante des techniques de séquençage a rendu financièrement de plus en plus abordable l’obtention de séquences d’un grand nombre d’individus de chaque espèce d’intérêt. A partir des années 2010, l’émergence des techniques de génotypage à bas coût de 10 000 à 1 million de mutations ponctuelles réparties sur l’ensemble du génome, couplées à des méthodes sophistiquées d’analyse statistique, ont permis le développement des méthodes de sélection dite « génomique » fondées sur l’estimation de la valeur génétique d’un individu à partir de la seule connaissance de son génome (sous réserve de la disponibilité de populations de référence pour lesquelles on dispose aussi de phénotypes et de génotypes). Ces méthodes ont fait progresser de manière remarquable les filières comme celles des ruminants laitiers, où plusieurs caractères d’intérêt ne s’expriment que chez des femelles adultes, alors que l’on sélectionne des mâles reproducteurs n’exprimant pas le caractère. Elles ont réduit drastiquement l’intervalle de génération, avec un progrès génétique annuel jusqu’à deux fois supérieur en comparaison aux méthodes antérieures. Ce bond technologique a renforcé la nécessité d’une gestion de la diversité génétique, afin de préserver une variabilité entre individus, indispensable à la capacité d’adaptation des populations aux attentes et contraintes de demain. Les connaissances en épigénétique et en métagénomique pourront également, dans les prochaines années, fournir de nouveaux leviers pour une meilleure adaptation des animaux.

Longtemps, le mode de pensée dominant en génétique et sélection était de produire le « meilleur animal », en considérant qu’il serait ensuite possible de définir le système d’élevage à même de lui permettre d’exprimer tout son potentiel. Aujourd’hui, la vision est plus systémique, et considère comme nécessaire de proposer des produits finaux, diversifiés, tels qu’attendus par les citoyens-consommateurs, le plus souvent associés à des signes de qualité (conditions d’élevage, lien territorial). Ainsi, il est devenu essentiel de définir conjointement la génétique et le système de production associé. D’une génétique optimale on est ainsi passé à la recherche de génétiques adaptées à des environnements et produits diversifiés, ce qui peut être ainsi résumé : « Quelle génétique dans quel système de production, pour quel produit dans quel territoire ».

Comme rappelé précédemment, les connaissances et les techniques en génétique et génomique ont fait des progrès gigantesques au cours des trente dernières années, rendant possible ce qui ne l’était pas hier. Parmi les avancées récentes, il faut aussi mentionner l’essor des techniques d’édition ou réécriture du génome qui permettent le remplacement ciblé d’une base à un endroit précis du génome. Il devient ainsi possible de générer un individu porteur d’une mutation d’intérêt, sans avoir besoin d’analyser quelques dizaines de millions d’individus pour identifier l’individu mutant naturel porteur de cette mutation apparue spontanément par erreur lors de la réplication de l’ADN. Dépassant ainsi une posture de « chasseur-cueilleur » d’une variabilité très rare qui apparait spontanément à chaque génération, les sociétés humaines accepteront-elles et se donneront-elles le droit de générer des animaux porteurs d’un génotype souhaité, en s’appuyant sur cette méthodologie d’édition-réécriture du génome ? C’est ici que la question de l’éthique des moyens que nous nous autorisons à employer pour transformer le vivant prend une nouvelle ampleur.

En parallèle, la société évolue, avec une demande et des exigences renouvelées. Les contraintes liées au réchauffement climatique, à notre responsabilité collective pour garantir la sécurité alimentaire mondiale et à une forte réduction de l’impact environnemental conduisent à remettre en question certains modes de production et à revoir les caractères sur lesquels il importe de faire porter l’effort de sélection. L’agroécologie invite à réinventer le nécessaire couplage entre productions végétales et animales. L’attention portée au maintien d’une biodiversité, véritable « carburant » de l’adaptabilité à un monde changeant, est une préoccupation de plus en plus prégnante, tant en termes d’espèces que de variabilité intra-spécifique. La place des produits animaux dans l’alimentation humaine est à revisiter dans nos pays occidentaux, en développant des produits tracés et certifiés en provenance de systèmes de production respectueux des animaux et de l’environnement. Enfin, dans le débat public, est soulevée avec de plus en plus d’insistance la question du statut des animaux, d’éventuels droits qui pourraient leur être conférés et des devoirs des humains à leur égard. Toutes ces évolutions renouvellent singulièrement la question de l’éthique des buts que nous poursuivons en exerçant une pression de sélection sur les populations d’animaux d’élevage.
Tout cela nous a conduits à considérer qu’il était important de faire le point sur l’amélioration génétique des animaux d’élevage, une activité multimillénaire profondément renouvelée à l’heure de la « révolution génomique » et susceptible d’évoluer à nouveau de manière considérable avec l’édition ou réécriture du génome et les biotechnologies de la reproduction. C’est en précisant ce qui est possible ou pourrait le devenir bientôt, en réfléchissant à ce qui est acceptable ou non, aux opportunités nouvelles ainsi induites et aux éventuels risques associés, que les diverses parties prenantes, la société et le législateur pourront établir le cadre des outils et pratiques que nous nous autorisons à mettre en œuvre pour une activité de sélection qui façonne le vivant pour aujourd’hui mais aussi pour demain. Au-delà d’une mise au point dans ce domaine d’activité, le présent ouvrage invite aussi à réfléchir au nécessaire couplage entre une éthique des fins et une éthique des moyens, qui sera un élément clé de l’évolution des pratiques en génétique animale et de leur perception par la société.

 

GÉNÉTIQUE DES ANIMAUX D'ÉLEVAGE
Diversité et adaptation dans un monde changeant

Etienne Verrier (coordination éditoriale), Denis Milan (coordination éditoriale), Claire Rogel-Gaillard (coordination éditoriale)
Collection Savoir faire, Editions Quae, 2020, 288 pages, ISBN 978-2-7592-3099-0, référence 02718
https://www.quae.com/produit/1635/9782759231003/genetique-des-animaux-d-elevage

 Genetique animaux elevage

 

Calendrier des prochains évènements

No events

qrcode vpc

Pour Accéder au site V&PC depuis votre smartphone,
veuillez scanner ce flashcode.


Mentions légales

Politique de confidentialité

Contacter VPC

  • Adresse :    ADIV - 10, Rue Jacqueline Auriol
    ZAC du Parc Industriel des Gravanches
    63039 CLERMONT-FERRAND cedex 2